128 • Transylvanian Review • VoL IV,
No. 1 (Spring, 1995)
Considérations sur la vie et l'activité de
Sabin Manuilà
Sorina & Ioan Bolovan
Center for Transylvanian Studies, Cluj-Napoca
Center for Transylvanian Studies, Cluj-Napoca
En 1946, Gheorghe I.
Bratianu publiait une étude remarquable sur Marc Bloch
intitulée „Un savant et un soldat"1 où il
essayait de résumer en quelques mots les dimensions fondamentales de
l'existence et de la création du grand historien français,
assassiné avec bestialité par les nazis. Nous nous permettons
d'employer ici le syntagme inspiré par le titre de l'étude de Gh.
I. Bratianu pour caractériser aussi bien
la vie et l'oeuvre de Sabin Manuilă en général que ses rapports
avec la Transylvanie en particulier. Plus personne ne doute
aujourd'hui de la valeur scientifique incontestable de l'oeuvre du
savant Sabin Manuilă. Le second attribut, celui de soldat, s'est
matérialisé pendant les années de la première guerre mondiale et
en automne de l'année 1918, lors de l'Union de la Transylvanie à la
Roumanie. Mais l'attribut de combattant a résulté surtout de
l'implication de Sabin Manuilă comme homme de la cité, dans la vie
publique, de la finalité politique de plusieurs de ses démarches
scientifiques dans une période où le révisionnisme menaçait
l'intégrité territoriale de l'état national roumain.
Comme on le sait, S. Manuilă a été, par sa
naissance, un fils de la Transylvanie. Il est né le 7/19 février
1894 à Sîmbâteni, près d'Arad, d'une famille de militants pour
les droits des Roumains vivant sur le territoire de l'état hongrois.
Son oncle, Vasile Goldis, a été l'une des personnalités marquantes
du Parti National Roumain de Transylvanie, celui qui, le 1 Décembre
1918, a lu la Résolution d'union. Son père, Fabriciu Manuilă,
archiprêtre orthodoxe de Lipova, a dirigé l'enseignement
confessionnel de son diocèse dans une période où la politique de
magyarisation forcée du gouvernement hongrois de Budapest avait
atteint son paroxysme2.
Il a commencé son éducation primaire à la
maison, a fait le lycée à Arad et ensuite à Brasov où il a passé
son examen de baccalauréat en 1912. Dans cette ville située au pied
de Tîmpa et grâce à des professeurs compétents, son caractère
d'exception a commencé à se
1 Gh. I
Bratianu, „Un savant et un soldat", dans Revue
Historique du Sud-Est Européen, XXIJJ, 1946.
2 L. Maior, Jrolitica
scolara a guvernelor maghiare fa{a de romani 1900-1914", dans
Anuarul Institutului de Istorie Cluj-Napoca, XXX,
1990-1991, p. 123.
Considérations sur la vie et l'activité de
Sabin Manuilă • 129
former au point de vue éducatif et moral ( le
professeur Axente Banciu a eu une grande influence en ce sens, figure
d'instituteur et d'historien peu connue de nos jours mais beaucoup
appréciée par Sabin Manuilă)3.
Après le lycée, Sabin Manuilă a été obligé
de s'inscrire à la Faculté de Médecine de Budapest car les
Roumains transylvains ne bénéficiaient pas, avant 1918, d'une
institution d'enseignement supérieur en roumain. De 1912 à 1919 il
a suivi les cours de cette faculté étant l'un des membres actifs de
la société estudiantine „Petru Maior" de Budapest et un des
collaborateurs des journaux roumains de Transylvanie. Pendant la
première guerre mondiale, Sabin Manuilă s'est trouvé, comme
beaucoup d'autres Roumains, dans une situation dramatique, devant
lutter, entre 1916-1918, dans l'armée austro-hongroise pour une
cause étrangère à sa nation d'origine (dans le service médical du
front russe).
La dissolution de l'Empire austro-hongrois en
automne 1918 et le radicalisme pris par le mouvement national roumain
de Transylvanie ont trouvé Sabin Manuilă impliqué dans la lutte
pour la défense des intérêts nationaux. Il s'est enrôlé dans la
garde nationale de Lipova, soutenant les efforts d'instauration de
l'administration roumaine en Transylvanie, quand la population
majoritaire a appliqué, le 1-er Décembre 1918, à Alba Iulia, le
principe du droit à l'autodétermination nationale et s'est unie à
la Roumanie. Longtemps après, lors de sa spécialisation aux
Etas-Unis, Sabin Manuilă a reçu une lettre d'une connaissance
roumaine établie à Détroit qui lui rappelait l'atmosphère pendant
l'Union. Dans cette lettre datée du 16 octobre 1925, il affirmait:
„Je me rappelle très bien qu'en 1918, à l'époque de la
révolution, vous aviez la commande de la garde nationale de notre
ville, Lipova, et que nous, les étudiants, vous aimions et vous
estimions beaucoup"4. D'ailleurs Sabin Manuilă a
participé à la Grande Assemblée d'Alba Iulia en qualité de
représentant de la société estudiantine „Petru Maior". Fait
significatif pour le militantisme de sa famille, à Alba-Iulia ont
participé comme représentants de différentes organisations
culturelles et religieuses, son père, Fabriciu Manuilă, et son
frère, Camil Manuilă5.
Après l'union de la Transylvanie à la
Roumanie, l'instauration d'une vie d'état et la généralisation de
l'administration roumaine dans cette province ont rendu nécessaire
la création de la première université roumaine, en 1919, à Cluj.
Sabin Manuilă est devenu médecin de l'hôpital d'enfants de
l'Université. Il a été inclu par la suite dans le corps des
enseignants universitaires comme assistant et ensuite comme chef de
travaux à la Faculté
La Bibliothèque
Centrale Universitaire ..Lucian Blaga" de Chij-Napoca,
Collections spéciales, Correspondance, les trois lettres de S.
Manuilă adressées à A. Banciu.
4 Les Archives de l'Etat
de Bucarest, Fond Sabin Manuilă, dossier V901, f. 9
(continué par ASB, FSM).
5 1918 la Romani.
Documentele Unirii Transikaniei eu România. 1 Decembrie 1918, vol.
X, Bucarest 1989, p. 118,120,186.
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No. 1 (Spring, 1995)
de Médecine (dans le cadre des chaires
d'anatomie pathologique et d'hygiène sociale dirigées par les
professeurs Victor Babes et Iuliu Moldovan)6.
Son activité didactique a été doublée d'un
riche travail de recherche scientifique. En 1921, il a rédigé
l'ouvrage Epidemiile din Transilvania (Les épidémies de
Transylvanie), présenté au cours du plus haut forum
scientifique du pays par l'éminent savant Victor Babes, ouvrage qui
a remporté aussi le prix de l'Académie Roumaine. En même temps, S.
Manuilă a récolté des milliers d'échantillons de sang dans les
villages de Transylvanie afin de faire l'analyse des groupes sanguins
ABO. Il a intégré les données obtenues dans son étude sur la
structure génétique de la population roumaine et les résultats de
ses investigations sérologiques et immunologiques ont été publiés
dans des revues de prestige du pays et de l'étranger (il devenait de
la sorte un des «pionniers" d'une science en train de se
constituer en Europe à cette époque)7.
En 1926, de retour des Etats-Unis où il avait
obtenu une bourse de la part de la Fondation Rockefeller pour
compléter sa spécialisation dans les domaines de la biométrie et
de la santé publique, Sabin Manuilă a été nommé inspecteur
général de la santé publique en Transylvanie et membre du Conseil
sanitaire supérieur. Malgré sa jeunesse, ce poste venait confirmer
sa ténacité, sa force de travail et son talent d'organisation qui
l'ont caractérisé tout au long de sa vie.
La passion pour la recherche sur le terrain a
déterminé Sabin Manuilă à s'impliquer dans l'organisation et la
coordination des équipes estudiantines de monographie, actives
durant la quatrième décennie, fait qui a eu pour conséquence une
fructueuse collaboration avec D. Gusti. De 1934 à 1935, il a dirigé
les équipes d'étudiants qui faisaient des enquêtes sociologiques
et démo-sanitaires dans les villages de F ibis et Sîmbâteni de
Banat. Le phénomène de la «dépopulation du Banat" a engendré
un débat important dans la vie scientifique et politique roumaine de
la période de l'entre-deux-guerres, suite aux conséquences
biologiques, économico-sociales, démographiques et
politico-nationales8. L'attention des équipes de travail
coordonnées par S. Manuilă a surtout porté sur le problème de la
réduction de la mortalité infantile en milieu rural et sur la
création d'une stratégie optimale dans le domaine sanitaire qui
puisse prévenir «le collapsus biologique". Ses observations
pertinentes, à côté de celles de D. Gusti, P. Râmneanțu, P.
Nemoianu, etc., ont constitué une source d'informations importante
pour une meilleure compréhension
6 Anuarul Universitatii
din Cluj, les années 1919-1920,p. 24; 1921-1922,p. 207.
7 Antologia asociafiUor
si personalitafilor culturale românesti din exil 1940-1990, édition
D, San Diego, 1991, p. 3S8.o
* P. Nemoianu,
«Depopularea Banatului", dans Analele Banatului, BJ, 1930,
nr. 3, p. 28-32; P. Râmneanțu, ..Studiu asupra depopulării
Banatului. Cauzele depopulării. Rezultatele anchetei demografice din
comuna Varadia, jud Caras", dans Buletin eugenic și
biopolitic, VI, 1935, nr. 7-9, p.
193-269; D. Șandru, Populația rurală a României între
cele doua războaie mondiale, lași, 1980, p. 34-36.
Considérations sur la vie et l'activité de
Sabin Manuilă • 131
du phénomène par les facteurs responsables.
Conformément à sa formation et à son esprit théorique et
pratique, S. Manuilă a joint, pendant ces années-là, l'écrit à
la parole, soutenant de nombreuses conférences, rédigeant des
mémoires et publiant des articles sur le phénomène de la
dépopulation du Banat9.
L'une des préoccupations constantes de Sabin
Manuilă a été d'établir correctement la composition ethnique de
la population de la Roumanie en général et de la Transylvanie en
particulier. Après la formation de l'état national roumain unitaire
en 1918, il était extrêmement important pour l'état roumain de
connaître la situation réelle des rapports ethniques dans les
provinces unies en 1918. L'étude Evolufia demograficâ a oraselor
si minoritàfilor etnice din Transilvania (Evolution
démographique des villes et des minorités ethniques de
Transylvanie), élaborée et présentée lors des réunions de
l'Académie de 1929 (institution qui a couronné l'auteur d'un autre
prix), représente la première contribution majeure de S. Manuilă à
la recherche de la structure ethnique des villes transylvaines10.
Il inaugure de la sorte une direction de recherche particulièrement
importante pour contrecarrer les thèses étrangères, tendancieuses
qui affirmaient que dans la Transylvanie d'après 1918 avait lieu la
„roumanisation" forcée des villes et que l'état roumain
promouvait une politique brutale d'assimilation des minorités, etc.
Avec une méthode rigoureuse et dans l'esprit
de l'objectivité qui a caractérisé toute son activité, S. Manuilă
a démontré que les villes transylvaines avaient en 1918 un
caractère ethnique à prépondérance hongroise, vu que
l'établissement de l'élément ethnique roumain en milieu urbain
avait été empêché, par différents moyens, pendant des siècles.
Après la suppression des obstacles politiques, économico-sociaux et
culturels par l'union de cette province à la Roumanie, suite à
l'afflux naturel de la population rurale vers le milieu urbain en
phase d'industrialisation, la structure ethnique des villes a subi
des modifications essentielles. Puisque la population rurale de
Transylvanie était roumaine dans sa majorité, il était normal que
les Roumains acquièrent en quelques décennies, une majorité
relative ou absolue en milieu urbain aussi, à voie naturelle, suite
aux immigrations des villages transylvains. Ce même phénomène
caractérisait à l'époque toutes les provinces unies à la Roumanie
en 1918. S. Manuilă a présenté ses conclusions concernant
l'évolution de la structure ethnique des villes de Transylvanie, de
Bucovine et de Bessarabie lors d'une communication à Rome en 1931, à
l'occasion du Congrès international d'études sur la population (les
7-10 septembre 1931)11.
9 Sabin Manuilă,
Jtegresul biologie al satelor banatene", dans Luceaférul,
Timisoara, décembre 1936; ASB, FSM, dossier 17499, f. 5;
dossierXL7112.
10 Sabin Manuilă
..Evohrtja demograficâ a oraselor si minoritaplor etnice din
Transilvania", dans Ârkiva pentrusUinM}ireformasocialâ,
Vin, 1929,nr. 1-3,p. 91-212.
Sorina Bolovan, „S.
Manuilă's Contribution to the Research of the Urban Population of
Romania", dans Transylvanien Review, voL I,
nr. 1, Summer 1992, p. 57.
132 • Transylvanian Review • Vol. IV,
No. 1 (Spring, 1995)
Le problème de la composition ethnique de la
population de Transylvanie, sa distribution en milieu rural et
urbain, le déplacement naturel de la population, etc. ont fait
l'objet de plusieurs conférences et études réalisées par S.
Manuilă durant la quatrième décennie: „Les problèmes concernant
la population de la Transylvanie", „Le développement des
villes de Transylvanie", „La structure ethnique de la
frontière de l'ouest", etc. n.
Les démarches scientifiques de S. Manuilă
étaient doublées d'une finalité politique incontestable à cette
époque-là, caractérisée par l'ascension du fascisme et
l'intensification de la propagande révisionniste. Tant l'Union
Soviétique que la Hongrie et la Bulgarie émettaient des prétentions
territoriales à l'adresse de la Roumanie, ce qui imposait, sur le
plan interne, une réplique scientifique, objective. S. Manuilă a
été l'un de ceux qui se sont effectivement impliqués dans la lutte
contre les thèses révisionnistes13. Par ses études
statistiques et démographiques, il fournissait des données qui
démontraient qu'en Transylvanie, Bucovine et Bessarabie la mise en
pratique du droit à l'autodétermination nationale a été soutenue
par une majorité ethnique roumaine dans toutes les provinces.
L'été de 1940 a été néfaste pour la
Roumanie compte tenues des pertes territoriales qu'elle a subies.
D'abord, suite à l'ultimatum du 26 juin, la Bessarabie, le nord de
la Bucovine et la région de Herța ont été occupés par l'Union
Soviétique. Grâce à la compétence de S. Manuilă, le Ministère
de l'Extérieur de Roumanie lui a demandé de participer, et de
fournir la documentation nécessaire aux négociations avec l'Union
Soviétique qui ont eu lieu à Turnu-Severin les 16-24 août 1940.
Pendant ces journées, Manuilă a essayé de sensibiliser les forums
de décision sur la possibilité d'échange de la population, afin de
réduire au minimum les pertes territoriales de la Roumanie'4.
Malheureusement, les négociations ont été arrêtées à cause de
la position rigide de la délégation hongroise. Suite aux pressions
de l'Allemagne et de l'Italie, une délégation roumaine a été
convoquée à Vienne pour le 30 août pour clarifier le différend
roumano-hongrois. S. Manuilă a fait partie15 de la
délégation roumaine, mais cette fois-ci c'est le droit de la force
qui l'a emporté: on a imposé à la Roumanie de céder en faveur de
la Hongrie, la partie du nord-ouest de la Transylvanie ayant une
population en majorité roumaine. S. Manuilă a d'ailleurs publié
par la suite un ouvrage où il met en évidence la
12 Sabin Manuilă, „Les
problèmes démographiques en Transylvanie", dans Revue de
Transylvanie, J, 1934, nr. 1, p. 45-60; „Le développement des
centres urbains en Transylvanie", dans Revue de Transylvanie,
nr. 4,
p. 445460; ASB, FSM.
p. 445460; ASB, FSM.
13 Sabin Manuilă, România
si revizionismul", dans Arhiva pentru stiință si reformă
socială, XII, 1934, nr. 1-2.
14 Valeriu Pop, Bătălia
pentru Ardeal, édition soignée par Sanda Pop et Nicolae C.
Nicolescu, Bucarest, 1992, p. 85,140.
15 R. Bossy, Amintiri din
viața diplomaticâ (1918-1940), voL. I-II, Bucarest, 1993, p. 279.
Considérations sur la vie et l'activité de
Sabin Manuilă "133
prépondérance de l'élément ethnique roumain
(49, 2%) dans les territoires occupés par la Hongrie, ainsi que les
conséquences démographiques négatives ayant résulté de cet
arbitrage pour la population roumaine16.
Dans ces conditions, la nécessité d'organiser
en Roumanie un recensement général de la population s'imposait de
force, afin d'évaluer correctement les pertes territoriales et
démographiques de l'été 1940. En automne et en hiver 1940, S.
Manuilă s'est préoccupé de la préparation et du déroulement de
ce recensement. Dans un mémoire qu'il a adressé au dirigeant de
l'état, Manuilă écrit: „Mon rôle, en qualité d'organisateur du
recensement général de 1930 et de directeur de l'Institut Central
de Statistique, et même en qualité d'homme de science et de
Transylvain, est celui d'insister afin que le pays soit armé des
meilleures armes, car nous en aurons besoin à la Conférence de paix
afin de regagner nos frontières nationales. C'est le seul idéal qui
me préoccupe en ce moment, c'est ma raison d'être. Je milite pour
cette idée dans toutes les circonstances de ma vie. Je milite pour
cette idée dans toutes les circonstances, par ce que je dis, ce que
j'écris et ce que je fais. Et je suis convaincu que personne n'ait
plus milité que moi pour cette idée..."'7.
Le problème de refaire les frontières
naturelles du pays était évidemment devenu l'une des préoccupations
majeures de ceux qui étaient responsables du sort de la Roumanie. Le
16 juin 1942, Mihai Antonescu a convoqué plus de 100 personnalités
politiques et scientifiques (parmi lesquelles S. Manuilă) afin de
préparer les documents pour la future Conférence de paix. Une des
décisions prise à cette occasion a été celle concernant
„l'amplification de l'activité de l'Office (de l'institut - n.a.)
de statistique dirigé par S. Manuilă18.
Conscient du nombre réduit de personnel
médical de spécialité existant en Roumanie, S. Manuilă a conçu
en 1944-1945, un projet d'organisation d'une nouvelle faculté de
médecine à Timisoara. Ce n'est pas par hasard qu'il a placé cette
institution, conçue selon le système des institutions similaires
qu'il avait connues aux Etats-Unis, lors de sa spécialisation à
l'Université Johns Hopkins de Baltimore, dans la ville située au
bord de la Bega. Elle devait préparer le corps médical qui aurait
pour mission principale de résoudre le problème de la réduction de
la population du Banat19. Malheureusement, la situation
politique interne et celle du pays de la fin de la guerre ont empêché
S. Manuilă de s'occuper de la mise en pratique immédiate de ce
projet.
Après avoir quitté la Roumanie, au début de
l'année 1948, pour échapper aux prisons communistes, S. Manuilă a
continué son activité scientifique en exil, à New York où il
" Sabin Manuilă, The
Vienna Award and its Demographical Conséquences, Bucarest, 1945.
17 ASB, FSM, dossier
1/199, f. 7.
18 Ion
Ardeleanu,«Biroul Pacii: proiecte privind soluționarea problemei
frontierelor României si realizarea
unor bune relatii în Balcani», dans Europa XXT, voL I-H71992-1993, p. 128-129.
unor bune relatii în Balcani», dans Europa XXT, voL I-H71992-1993, p. 128-129.
19 Antologia
asocialiilor si personalităților...,p. 389.
134 • Transylvanian Review VoL IV,
No. 1 (Spring, 1995)
s'est établi. Un fait tout à fait
significatif pour le syntagme proposé au début de notre
présentation est que S. Manuilă a élaboré en 1957, en
collaboration avec le Dr. W. Filderman (ancien président de la
Fédération des communautés juives de Roumanie) une étude
remarquable sur Evoluția numerică regională a populației
evreiești din România (Evolution numérique régionale de la
population juive de Roumanie). Cette étude a été également
présentée au Congrès de l'Institut International de Statistique de
Stockolm des 8-15 août 1957. On présentait ainsi dans un forum
scientifique de prestige, des conclusions d'une grande importance
pour la connaissance réelle des dimensions de l'holocauste en
Roumanie. La forte réduction du nombre des Juifs de Roumanie après
la guerre a été tout d'abord attribuée à la déportation en
Allemagne des Juifs du nord-ouest de la Transylvanie, occupée par la
Hongrie (environ 90.295 personnes). Les pertes dans les provinces de
l'ancien Royaume, dans la Transylvanie d'aujourd'hui et dans la
Bucovine du sud ont été estimées à environ 15.000 personnes. Il
était donc normal que le Dr. W. Filderman affirme que dans aucun des
pays se trouvant sous l'influence de l'Allemagne n'ait survécu une
aussi grande proportion de Juifs qu'en Roumanie20.
Dans l'espace restreint de cette présentation,
nous n'avons fait que schématiser quelques moments de la biographie
et de l'oeuvre de Sabin Manuilă qui ont réussi, pensons-nous, à
mettre en évidence les attributs de savant et de soldat d'une grande
personnalité de la science roumaine contemporaine.
20 S. Manuilă, Dr. W.
Filderman, Populajia evreiascâ din România în timpui celui
de-al doilea rûzboi mondial/The Jewish Population in România during
World War II, édition Kurt W.
Treptow et Lany Watts, Iassy, 1994, p. 58. D'ailleuis S. Manuilă a
usé de sa position entre 1942-1944 pour protéger la population
juive de Bucarest. Sous le prétexte que l'Institut Central de
Statistique qu'il dirigeait avait besoin de personnel auxiliaire
qualifié pour ses opérations statistiques, S. Manuilă a sollicité
au Grand Etat Major d'exempter de l'envoi dans les camps de travail
de milliers et de milliers d'intellectuels juifs. Ceux-ci ont été
embauchés, de manière fictive, à l'Institut, pouvant travailler
même à domicile, et étant de ce fait protégés de travaux
pénibles et humiliants. Cf. Radu Lecca, Eu i-am salvat pe evreii
din România, Bucarest, 1994.
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